L'autoroute A89, surnommée "la grande transversale", a progressivement transformé l'accessibilité et la connectivité entre Bordeaux et Lyon depuis son achèvement complet en 2018. Cette infrastructure majeure, fruit d'un projet s'étendant sur plus de trois décennies, a non seulement modifié les déplacements entre ces deux métropoles mais a également exercé une influence considérable sur les dynamiques immobilières dans la région lyonnaise. Ce rapport analyse en profondeur comment l'A89 a façonné et continue d'influencer le marché immobilier résidentiel et commercial dans les zones qu'elle traverse, ainsi que son impact plus large sur l'attractivité des communes périphériques de Lyon.
L'autoroute A89 reliant Bordeaux à Lyon représente un projet d'infrastructure majeur dont la finalisation s'est étalée sur plus de trente ans. Inaugurée par sections successives, cette autoroute s'étend sur 500 kilomètres et traverse 267 communes, comportant 37 viaducs et plus de 500 ouvrages d'art courants. Le tronçon final entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny a été inauguré en janvier 2013, permettant de connecter officiellement les deux métropoles. En mars 2018, un ultime segment de 5,5 kilomètres reliant l'A89 à l'A6 a été ouvert à la circulation, complétant définitivement ce maillage autoroutier.
Ce projet d'envergure, dont le coût avoisine les 6 milliards d'euros, a été financé par le système de l'adossement, utilisant les recettes générées par l'ensemble du réseau autoroutier. L'objectif principal était de désenclaver l'Est du Massif Central tout en offrant une alternative plus directe entre Clermont-Ferrand et Lyon, réduisant le parcours d'environ 40 kilomètres. Cette autoroute a substantiellement réorganisé les flux routiers dans la région, même si le trafic observé s'est révélé inférieur aux prévisions initiales, avec une réduction de 30 à 40% par rapport aux estimations.
Les volumes de trafic varient considérablement selon les tronçons : entre 8 500 et 15 400 véhicules par jour sur les sections entre Arveyres et Combronde, et plus de 16 000 véhicules quotidiens entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny. Cette différence d'utilisation explique en partie l'écart entre les taux de rentabilité immédiate des différentes sections, avec 3,9% pour le tronçon Arveyres-Combronde contre 7,8% pour Balbigny-La Tour-de-Salvagny. Il est toutefois intéressant de noter la faible proportion de poids lourds sur l'ensemble de l'autoroute (entre 6,6 et 12%), en raison de la concurrence de la Route Centre Europe-Atlantique et de la RN7.
Lors de l'inauguration du tronçon Balbigny-La Tour-de-Salvagny en 2013, les effets sur le marché immobilier local n'ont pas été immédiats. Stéphanie Collomb, directrice de l'agence Logideal de Tarare, témoignait alors : "Il n'y a pas pour l'instant d'effet autoroute". Elle précisait que les acquéreurs potentiels ne contactaient pas l'agence spécifiquement en raison de l'ouverture de l'autoroute, mais étaient généralement des personnes déjà familières avec Tarare ou revenant s'y installer après avoir vécu à Lyon.
Néanmoins, un phénomène d'anticipation s'était déjà manifesté deux à trois ans avant l'ouverture effective de l'autoroute. Certains acheteurs avaient anticipé une augmentation des prix consécutive à l'arrivée de l'A89. Parallèlement, les vendeurs avaient déjà intégré cette future ouverture dans leurs prix, ce qui rendait le marché moins attractif pour de nouveaux acquéreurs. Cela illustre l'impact psychologique et spéculatif que peut avoir l'annonce d'une infrastructure majeure, bien avant sa mise en service effective.
En 2013, à Tarare, un appartement de 80 m² se négociait entre 120 000 et 130 000 euros, tandis que les personnes âgées souhaitant un logement bien entretenu, sans travaux et proche du centre-ville pouvaient investir jusqu'à 160 000 - 180 000 euros. Les maisons avec trois chambres et un extérieur se vendaient autour de 220 000-230 000 euros, créant un décalage avec les attentes des acquéreurs qui disposaient généralement d'un budget de 200 000 euros.
La mise en service de l'A89 a progressivement transformé les communes situées à proximité de son tracé. L'une des plus notables est Pontcharra-sur-Turdine, devenue depuis partie intégrante de la commune nouvelle de Vindry-sur-Turdine. Cette petite ville d'environ 2 500 habitants, située à 35 kilomètres à l'ouest de Lyon, a connu une augmentation régulière de sa population depuis la fin des années 1940, avec une démographie relativement jeune.
Géographiquement, Pontcharra-sur-Turdine fait partie du Pays de Tarare, en bordure du département de la Loire et des Monts du Beaujolais, mais elle est désormais clairement intégrée à l'aire d'attraction lyonnaise. Le passage de l'A89 sur le territoire municipal a créé une liaison rapide entre Lyon et Clermont-Ferrand, complétée par une ligne TER et des lignes de bus vers Villefranche-sur-Saône. Cette accessibilité accrue a contribué significativement à son attractivité résidentielle.
L'évolution du marché immobilier local a été remarquable, avec une augmentation des prix de +30% en cinq ans et encore de +6,5% en deux ans jusqu'en 2021. En 2021, le marché restait très dynamique, avec 12% plus d'acheteurs que de biens disponibles, témoignant d'une pression immobilière croissante dans cette zone périurbaine.
Les communes situées à proximité immédiate de l'A89 ont connu une augmentation des transactions immobilières dans les deux années suivant l'ouverture de l'autoroute, confirmant l'impact positif de l'infrastructure sur la dynamique du marché immobilier local, même si cet effet n'était pas immédiatement perceptible lors de l'ouverture.
L'influence de l'A89 sur les prix immobiliers des territoires traversés s'observe particulièrement dans les zones situées à l'ouest de Lyon. En 2025, plusieurs communes bénéficiant d'une bonne accessibilité à l'autoroute présentent des marchés immobiliers attractifs pour les investisseurs cherchant des alternatives aux prix élevés de Lyon intra-muros.
À Tarare, point stratégique sur l'A89, le marché immobilier s'est progressivement valorisé. En 2025, on observe des locaux d'activité proposés à la location pour 90,00 € HT/HC/m²/an à Pontcharra-sur-Turdine, à proximité immédiate de l'A89. Ces locaux bénéficient d'une situation privilégiée, avec l'autoroute accessible en seulement 5 minutes. La présentation de ces biens met explicitement en avant "la proximité de l'A89" comme un avantage majeur, démontrant que cette infrastructure est devenue un argument commercial de poids.
Le marché résidentiel dans cette zone connaît également une dynamique positive. À Vindry-sur-Turdine (qui inclut Les Olmes), une maison individuelle à construire d'une surface de 140m² sur un terrain de 690m² était proposée à 505 000 € en 2020. L'annonce soulignait explicitement l'atout de l'accès à l'A89 à seulement 1 minute en voiture, confirmant la valorisation immobilière associée à cette proximité.
Cette influence positive sur les prix est corroborée par des données plus générales sur l'impact des infrastructures autoroutières. Selon une étude de l'INSEE, les communes situées à proximité immédiate de réseaux routiers connaissent une hausse de 15% des transactions immobilières dans les deux années suivant l'ouverture de l'autoroute. Cette augmentation des transactions s'accompagnant d'une pression à la hausse sur les prix.
L'autoroute A89 a exercé une influence considérable sur le développement de l'immobilier d'entreprise le long de son tracé, notamment dans le département du Rhône. En mars 2025, on comptait au moins 10 annonces d'immobilier d'entreprise à vendre dans le Rhône, spécifiquement présentées comme situées "en bordure de l'A89". Cette référence explicite à l'autoroute dans les descriptions commerciales témoigne de l'importance accordée à cette accessibilité par les professionnels de l'immobilier et leurs clients.
Parmi ces offres immobilières, on trouve notamment un bâtiment d'activités de 693 m² à Létra (69620), proposé à 550 000 €, soit 794 €/m². L'annonce met en avant sa situation "en bordure de la Départementale 385", avec "l'A89 - Sortie Tarare Est à 18 min". À Lissieu, des bureaux de 144 m² avec terrasse et 5 parkings privatifs sont proposés à 360 000 €, soit 2 500 €/m², l'annonce soulignant la proximité des autoroutes A6 et A89 comme un avantage concurrentiel.
À Civrieux d'Azergues, un ensemble immobilier de 2 980 m² composé de deux bâtiments d'activités est disponible à partir de 3 376 340 €, avec une possibilité de division. Là encore, l'accès par l'autoroute A6 et l'A89 est mis en avant comme un atout majeur. Ces exemples illustrent comment l'A89 est devenue un facteur structurant pour le marché de l'immobilier professionnel, avec des valeurs qui varient considérablement selon la surface, la qualité des locaux et la proximité exacte de l'échangeur autoroutier.
Cette dynamique s'inscrit dans une tendance plus large observée par les experts en évaluation immobilière : les infrastructures de transport comme l'A89 sont des éléments stratégiques de transformation urbaine et de développement économique. Les réseaux routiers, en renforçant la mobilité interurbaine, attirent des investissements porteurs et dynamisent la demande immobilière le long de ces itinéraires clés.
La métropole lyonnaise a connu ces dernières années des évolutions complexes de son marché immobilier, avec une baisse générale des prix dans la ville-centre et un redéploiement des acquéreurs vers la périphérie. Dans ce contexte, l'A89 joue un rôle important en facilitant l'accès aux communes occidentales de l'agglomération, contribuant ainsi à redistribuer la pression immobilière.
En 2025, les prix immobiliers à Lyon intra-muros s'établissent à 4 819 €/m² en moyenne, après avoir connu une baisse significative de 7,1% sur 12 mois et de 10,8% sur deux ans. Cette tendance baissière touche tous les arrondissements, y compris le 9ème arrondissement (à 4 194 €/m²), qui est le plus proche de l'A89. Face à ces prix encore élevés, de nombreux acquéreurs se tournent vers des secteurs plus abordables de la périphérie, comme Vaulx-en-Velin (2 631 €/m²) ou Saint-Priest (3 153 €/m²).
L'A89, en améliorant l'accessibilité du Nord-Ouest lyonnais, a contribué à valoriser certaines communes de cette première couronne. Les données montrent que "les communes comme Saint-Priest et Vénissieux, connectées au centre de Lyon en moins de 20 minutes, voient leurs prix progresser de 5 à 7% plus rapidement que les secteurs moins accessibles". Ce phénomène illustre comment les infrastructures de transport redessinent la carte des valorisations immobilières dans l'agglomération.
Dans ce contexte, on observe que les investisseurs et acquéreurs s'intéressent de plus en plus aux zones situées au-delà de la première périphérie. Comme l'indique cet entretien pour Lyon Capitale, "on a vu un peu, à l'instar de la région parisienne, des prix à Lyon qui devenaient vraiment élevés, une population qui avait du mal à se loger dans l'hypercentre de Lyon et qui avait commencé à former ce qu'on appelle des couronnes avec une recherche d'acquisition sur des prix moins soutenus en première périphérie, deuxième voire troisième périphérie." L'A89 facilite précisément l'accès à ces deuxième et troisième couronnes dans la direction ouest, renforçant ainsi leur attractivité résidentielle.
Après plus d'une décennie depuis l'ouverture du tronçon principal de l'A89 vers Lyon, et à l'approche du dixième anniversaire de son raccordement final à l'A6, les perspectives pour le marché immobilier le long de cet axe apparaissent favorables, malgré un contexte général de ralentissement.
Le bilan LOTI (Loi d'Orientation des Transports Intérieurs) de l'A89 dans sa section Balbigny - La Tour-de-Salvagny indique que "les effets de la section sur la démographie semblent pour l'instant modestes et difficiles à isoler du phénomène de péri-urbanisation croissante de la métropole lyonnaise à l'Ouest". Cependant, "les retombées du projet sur l'activité économique et l'emploi sont plus favorables dans sa partie Est", suggérant un potentiel de développement immobilier encore significatif dans cette zone.
L'année 2025 pourrait marquer un tournant pour le marché immobilier lyonnais dans son ensemble, après trois années de recul marqué. Selon les observateurs, "le marché immobilier lyonnais a touché un point bas et devrait se stabiliser dans les mois à venir". Ce contexte de stabilisation pourrait favoriser un regain d'intérêt pour les communes desservies par l'A89, offrant un compromis attractif entre prix accessibles et bonne connexion à la métropole.
Cette tendance est renforcée par l'évolution des taux d'intérêt. Comme le souligne Pascal Pancrazio, président de la FNAIM du Rhône : "Des taux autour de 2% sont envisagés pour l'été prochain, ce qui constitue une excellente nouvelle pour l'immobilier". Cette amélioration des conditions de financement pourrait stimuler la demande dans les zones périurbaines bien connectées, dont celles desservies par l'A89.
Le développement de zones économiques le long de l'autoroute, comme en témoignent les nombreuses offres d'immobilier d'entreprise, devrait également soutenir la demande résidentielle, en créant un cercle vertueux entre emploi local et attractivité résidentielle. La mise en service d'infrastructures complémentaires comme l'A466 et la liaison A89-A6 a par ailleurs renforcé l'attrait de cet axe pour la desserte de Lyon ou son contournement par le nord.
L'autoroute A89 a indéniablement transformé la dynamique immobilière de la région lyonnaise, particulièrement dans sa partie occidentale. Son impact s'est manifesté progressivement, d'abord par des effets d'anticipation avant même sa mise en service complète, puis par une restructuration effective des flux de mobilité et des choix résidentiels des ménages.
Aujourd'hui, l'A89 contribue significativement à l'attractivité des communes qu'elle dessert, offrant un accès rapide à la métropole lyonnaise tout en permettant de bénéficier de prix immobiliers plus modérés. Cette infrastructure a également favorisé le développement de l'immobilier d'entreprise le long de son tracé, créant ainsi des opportunités économiques qui renforcent à leur tour l'attractivité résidentielle de ces territoires.
Dans le contexte actuel de recomposition du marché immobilier lyonnais, marqué par une baisse des prix dans le centre et une redistribution des acquéreurs vers la périphérie, l'A89 apparaît comme un axe structurant qui contribue à équilibrer le développement territorial. Si les effets démographiques directs de l'autoroute restent difficiles à isoler du phénomène plus large de périurbanisation, sa contribution à l'accessibilité et à la connectivité des territoires qu'elle traverse demeure un facteur déterminant de leur attractivité immobilière.
À mesure que le marché immobilier lyonnais se stabilise et amorce potentiellement une reprise en 2025, les communes situées le long de l'A89 semblent bien positionnées pour capitaliser sur leurs atouts de connectivité et d'accessibilité, consolidant ainsi l'influence durable de cette infrastructure majeure sur le paysage immobilier régional.